Deux femmes, deux voix

A Marrakech, l’école Elaraki a inauguré le 21 juin 2024 une salle de spectacle et de conférence dans son campus Izdihar, dédiée à Fatéma Mernissi. Un lieu prestigieux que cette institution compte mettre à la disposition également des Marrakchis pour leurs manifestations culturelles et artistiques.

La cérémonie fut à la hauteur de l’évènement et de la symbolique choisie, marquée par la présentation émouvante de la militante féministe Farida Bennani, amie de F. Mernissi, ancienne universitaire, juriste et défenseure acharnée des droits des femmes et des enfants.

Le deuxième moment fort de la soirée fut l’interprétation magistrale d’un extrait de « Rêve sans frontières » en hommage à l’auteure par Amal Ayouch et Sanae Assif, deux comédiennes franco-marocaines.

Le standing ovation était bien mérité par ces deux femmes car en effet nous étions restés sans voix devant une diction parfaite, une mémoire prodigieuse, un jeu tout en finesse. L’une et l’autre sont habituées à la scène aussi bien au Maroc qu’en France. Parcours original puisqu’elles ont pu, malgré des formations en pharmacie et en gestion d’entreprise, faire vivre leur passion pour le théâtre et le cinéma.

Elles excellent dans l’interprétation des œuvres classiques (Shakespeare, Racine …) et le conte. Pour ma part, pendant le spectacle, je n’ai pas pu m’empêcher de les imaginer jouer des textes comme ceux de La Fontaine, inspirés comme chacun sait de Kalila wa Dimna, des Mille et une nuits, de La comédie divine que Dante aurait écrit (cf. A. Kilito) après la lecture de Rissalat Al Ghofrane (L’épitre du pardon) de Al Maâari, de l’épopée de Gilgamesh …. D’ailleurs, Amal Ayouch a déjà interprété des extraits de Sagesses et facéties de Joha de Faouzi Skalli.

Tout ce patrimoine né en terre d’Orient, devenu universel, il faudrait en nourrir les esprits des nouvelles générations à travers des tournées en France et au Maroc  à la manière de Fabrice Lucchini.

Depuis Tayeb Seddiki, on n’a pas vu se développer un théâtre classique. Or un Shakespeare pourrait parfaitement se jouer aujourd’hui au Maroc en anglais, en français et en arabe. Démarche déjà entreprise pendant les années 1940 à Fez par Abdelouahed Chaoui en représentant Molière en arabe, expérience qui rappelle celle du libanais  Morun Al Naqash à Beyrouth en 1847.

Sachons, enfin, que le théâtre a fait ses premiers pas en Mésopotamie (actuel Irak) pour des fins sacrées à l’époque des déesses et que les premiers acteurs furent des femmes.