Manifeste de l’indépendance
Le Maroc fête l’anniversaire de la présentation du manifeste de l’indépendance de 1944. Indépendance vis-à-vis de la France qui a utilisé le pacte du protectorat comme un alibi pour une colonisation que le peuple marocain n’a pas acceptée. Il y a eu soulèvement, résistance, combat contre cette domination. Les Français avaient bel et bien l’intention de soumettre le Maroc et peut-être même le transformer en un département français comme l’Algérie.
Certes, ils ont construit des écoles et entrepris la modernisation du pays pour mieux l’exploiter. Certes, ils n’ont pas réussi à imposer le christianisme comme religion. Mais, le contrat du protectorat en soi était comme « une porte ouverte à toutes les fenêtres » sur le plan culturel, linguistique et civilisationnel. Car, en effet, à ce niveau, la situation est beaucoup plus complexe que l’on pense.
En 1956, le Maroc est déclaré libre et libéré de l’emprise de la France. Mais, pourrions-nous nous libérer d’un siècle d’acculturation et d’imprégnation linguistique ? Serait-il raisonnable aujourd’hui de faire marche arrière et de tout rejeter ?
Si l’on consulte l’Histoire, on constate que l’Europe, depuis qu’elle a entrepris sa Renaissance entre le 14eme et le 16eme siècle, ne s’est guère arrêtée jusqu’à la révolution industrielle au moment où la scolarisation s’est généralisée et devenue obligatoire. Le train de la modernité avait démarré parallèlement avec l’invention de moyens de transport et de communication modernes. Il était difficile de ne pas le prendre. L’Europe comme toute puissance hégémonique imposait ses langues, ses cutures et ses technologies dans le monde. La civilisation se propageait d’un foyer à l’autre depuis la plus haute Antiquité : la Mésopotamie, Babylone, l’Egypte, la Perse, les Araméens, les Phéniciens, les Grecs, les Romains, les musulmans avaient diffusé en effet leurs cultures et langues, leurs modes de vie et savoir technologique partout où ils allaient. Les biens culturels et linguistiques comme les acquis technologiques circulaient de manière naturelle. Des biens qui s’inscrivent dans l’universalité dès lors qu’ils se propagent. Les Romains, à titre d’exemple, ont christianisé l’Europe comme les musulmans qui ont islamisé et arabisé plusieurs pays en Orient, en Asie, en Afrique et en Europe. Le bien humain ou culturel, une fois, acquis et assimilé devient difficile à être abandonné.
Aujourd’hui, le Maroc abrite en son sein trois religions (islam, judaïsme, christianisme), plusieurs langues : le berbère, l’hébreu, l’arabe, le français, l’espagnol, sans compter l’anglais devenu incontournable dans le marché du travail. Cette dimension plurilingue et multiconfessionnelle intrinsèque n’est pas à juger. Elle est là indiscutablement par la force de l’Histoire. Nous n’avons de choix que de l’assumer.
Le Maroc a pris ainsi son indépendance par rapport à la situation de la colonisation mais sans pour autant se libérer complètement car cela est impossible. La langue française comme les langues berbère, arabe, hébraïque et espagnol font partie de notre identité. La modernité conduite par l’Europe et servie dans le monde entier est notre champ de bataille pour nous y inscrire pleinement et avancer au même titre que le reste du monde.
Cette imprégnation de la culture moderne portée inexorablement par la langue est nécessaire pour nous libérer des traditions qui nous tirent vers le bas. La langue demeure ainsi un vecteur indéniable de modernisation.