Un Suisse pour des orphelins
L’actualité de la nomination de Moncef Slaoui par D. Trump à la tête du groupe « Operation Warp Speed » nous rappelle que le Maroc suscite un attachement particulier.
Que l’on soit, en effet, un Marocain de souche, de religion juive ou musulmane ou un Marocain de naissance ou de cœur, par choix, on est amoureux de ce pays et aujourd’hui, on a envie de l’aider à se développer et à mieux avancer. Ceux qui l’ont quitté et qui ont réussi à l’étranger sont de plus en plus nombreux à répondre à l’appel. Ils adhèrent facilement à des projets de construction ou humanitaires comme celui de M. Huber. Ce vieux Suisse – comme il aime le dire – de 73 ans s’est épris du Maroc depuis qu’il le visitait comme touriste.
Hansjorg Huber est particulièrement sensible au cas des enfants abandonnés. Sa visite à l’âge de 23 ans du village Pestalozzidorf (à Trogen en Suisse) d’orphelins de guerre tibétains fut décisive : il se promet de construire un jour un orphelinat, vœu exaucé quarante-deux ans plus tard sur des terres marocaines.
Il a privé ses propres fils de la moitié de leur héritage pour construire un village à Tahanaout abritant 120 enfants aujourd’hui. Un village au pied de l’Atlas, qu’il dirige d’une main de fer. Dix maisons dont une dédiée à des enfants avec un handicap lourd, une école, une infirmerie, un restaurant, des terrains de sport, un amphithéâtre et d’autres maisons en construction grâce au soutien de bénévoles de plus en plus nombreux et engagés.
M. Huber s’avère être un homme d’affaires intraitable dans sa gestion de l’orphelinat. C’est ainsi que son projet emporte l’adhésion de Marocains issus de la diaspora auxquels il inspire confiance par son sens de l’organisation.
L’adhésion est également émotionnelle lorsque l’on est face à ce « vieux » Suisse qui a fait le choix de consacrer sa retraite et le reste de sa vie à des enfants abandonnés. Et en ces moments de confinement, c’est en bon chef de famille qu’il se tient en quarantaine dans le village de Dar Bouidar à Tahanaout auprès des enfants.
Le rêve de M. Huber s’agrandit de jour en jour au gré des rencontres qu’il réalise et des efforts qu’il déploie pour sensibiliser à la cause des orphelins. Son objectif au jour d’aujourd’hui est de construire cinq villages.
Certes, l’Etat doit prendre en charge l’éducation des jeunes filles issues du milieu rural notamment, qui, inconscientes de la gravité de leur acte, délaissent leurs enfants dès la naissance. Mais en attendant, on peut se payer un voisinage au Paradis au côté du Prophète comme M. Huber ! Oui, le prophète de l’islam promet à celui qui adopte un orphelin ou le prend en charge une place à ses côtés, manière de recommander vivement l’aide de l’enfant privé de ses parents sans se poser de questions sur son histoire et sans jugement.
C’est sans doute le cas de ce Néerlandais, Frank, marié à une Marocaine de Marrakech, qui se propose de payer les frais de tout un village en en faisant cadeau à sa fille Sophia avec les 120 futurs demis frères et sœurs.
Cette idée d’offrande à ses enfants est dans l’esprit également de Jonas, un Américain d’origine marocaine, pour ses deux garçons en s’engageant à construire une maison et financer la scolarité des dix enfants qu’elle va abriter jusqu’à leur majorité.
Ou encore l’architecte praguois, Karim, avec son projet de construire un troisième village et l’envie ardente de manifester son attachement à son pays de naissance.
Sans oublier la participation d’Européens comme la mise en place d’éoliennes par des bénévoles allemands.
Cette idée plaît beaucoup à d’autres Marocains de la diaspora et chacun selon ses possibilités voudrait participer d’une manière ou d’une autre au soutien de notre pays.
Mais la gestion de ce projet, c’est également une expérience exemplaire pour les autres orphelinats marocains. Avec l’ambition de l’excellence de ce père des orphelins comme on peut l’appeler en arabe « abou al yatama », il fait appel aux compétences étrangères comme celles de Chakib Benmakhlouf, ce Suédois originaire du Maroc qui a servi la Suède pendant 40 ans dans le domaine de l’Education et se dit prêt aujourd’hui à exprimer sa gratitude vis-à-vis de son pays d’origine à travers le partage de ses compétences au profit de dar Bouidar ainsi que pour les villages à construire.
Mais en dehors de la motivation humanitaire ou religieuse, qu’est-ce qui nous empêche, nous autres, de nous rallier à la cause de M. Huber ?
Pourquoi ne pas se servir de l’histoire de son projet pour éveiller les consciences ? Lancer un mouvement de solidarité. L’Etat ne peut pas tout faire, il est du devoir de la société civile de se responsabiliser, de prendre le relais.
Pourquoi ne pas créer un comité de réflexion par rapport à ce phénomène d’abandon d’enfants qui prolifère de nos jours, comprendre ses causes, venir en aide à une société en perdition des valeurs ? Doit-on accepter ce niveau d’obscurantisme ? On devrait mener des campagnes de sensibilisation vis-à-vis de ce problème qui nous interroge d’un point de vue religieux, moral, social et humanitaire.
Quoi de mieux que le thème des orphelins pour éveiller notre esprit de solidarité et se montrer capable de mener des actions citoyennes ?